Open débat
#debatgrandouvert Libérons les données des consultations en ligne
En janvier 2019, nous avons publié cette tribune pour appeler à l'ouverture et à la transparence dans le processus du Grand Débat national.
Ouvrons grand le débat
Nous, signataires de cet appel, militons pour une démocratie continue, pour une action publique participative et transparente. La participation effective des citoyens à la décision politique est aujourd’hui une nécessité pour répondre à la déception et à la colère exprimées vis-à-vis de l’organisation des pouvoirs publics et des inégalités économiques et sociales. Dans ce contexte, nous souhaitons lancer l’alerte sur le risque que le “Grand Débat National” lancé par le Président de la République le 15 janvier, contribue à la frustration collective plutôt qu’à une sortie de crise démocratique.
Nous alertons les organisateurs et garants du Grand Débat sur les points suivants :
- Un intermédiaire indépendant manque cruellement au débat à la suite du retrait de la CNDP. Le Gouvernement doit préciser les marges de manoeuvre et de contrôle des garants désignés.
- Les prestataires privés responsables de la mise en œuvre de la plateforme numérique et des dispositifs d’accompagnement doivent répondre aux demandes de leur commanditaire, le gouvernement, et ne peuvent donc garantir un débat neutre.
- Ce dispositif a été organisé de manière précipitée, et le calendrier choisi, trop restreint, ne prend pas le temps de la construction collective de propositions.
- Le dispositif proposé ressemble plus à un grand sondage qu’à un grand débat : les questions posées tout comme les formats de restitution orientent fortement les réponses et ne permettent pas l’échange d’arguments entre les citoyens.
- L’outil numérique choisi est une véritable boîte noire : un logiciel propriétaire, opaque et sans transparence des données ni API, contrairement aux recommandations du Conseil d’Etat et de la Cour des comptes et aux engagements pris par la France il y a deux ans, dans le cadre du partenariat pour un gouvernement ouvert.
- Aucun engagement n’a été formulé par l’exécutif quant à la prise en compte des contributions citoyennes, ce qui rend impossible d’évaluer l’impact du grand débat sur le processus de décision.
- Cela induit une perte de contrôle des citoyens sur leur propre expression. Alors que les débats pourront être nombreux et d’une richesse inestimable, le Gouvernement reste seul « propriétaire » des résultats du travail et de l’énergie investis par les citoyennes et les citoyens dans ce processus.
A un moment où l’ouverture de notre vie politique est une exigence et une nécessité, nous n’avons aucun intérêt à ce qu’une initiative participative se solde par un échec, c’est pourquoi nous souhaitons que ce « Grand Débat National » soit un point de départ plutôt qu’une conclusion.
Nous demandons :
1. Que la collecte, le traitement et la synthèse des contributions soient réalisés de manière absolument transparente, avec l’ouverture des données de travail et la mise en lisibilité des choix techniques, de modération et d’animation, sur la plateforme ou en présentiel. En particulier :
- a. Les opérations techniques réalisées à travers la plateforme numérique (algorithmes et scripts d’organisation, traitement, hiérarchisation de l’information, etc.) doivent être explicitées.
- b. Les données de toutes les contributions doivent être ouvertes, c’est-à-dire accessibles librement et téléchargeables dans un format permettant leur traitement. Ces données comprennent les messages et réactions sur la plateforme, les synthèses papier ou numérisées des débats auto-organisés, et toute autre production citoyenne ou publique liée au grand débat. L’objectif est de permettre à chacun.e de se saisir de ce matériau: citoyens, scientifiques, élus locaux
- c. L’ouverture d’une interface de programmation (API) permettant à la société civile et aux chercheurs de suivre l’évolution du débat est un minimum.
2. Que l’exécutif prenne au sérieux cet exercice participatif en garantissant la représentativité des contributions, leur impact sur la décision publique, et la protection des citoyens.
- a. En recherchant activement la représentativité et en permettant que tous les publics soient associés aux démarches participatives locales et représentés sur les plateformes numériques (en s’appuyant notamment sur les acteurs de l’éducation populaire ou de la médiation numérique).
- b. En permettant aux citoyens de contribuer librement, en termes de format et de sujets, et de manière anonyme s’ils le souhaitent.
- c. En assurant une synthèse indépendante des contributions, réalisée par exemple par une assemblée citoyenne digne de ce nom, chargée de produire des recommandations publiques concernant l’action de l’Etat (qu’il s’agisse d’un référendum ou non).
- d. En mandatant la CNIL pour auditer les bases de données détenues par les prestataires choisis et vérifier leurs finalités d’usages, leur non-porosité et la destruction des fichiers constitués lors du Grand Débat le moment venu.
Nombre d’acteurs de la démocratie participative, chercheur.e.s, associations et collectifs citoyens ont émis des réserves ou alerté sur les limites du Grand Débat National. Nous, signataires de cet appel, nous inscrivons dans cette approche vigilante et prendrons notre part pour soutenir une participation démocratique plus ambitieuse.
Nous proposons :
- de continuer à plaider pour l’ouverture et la transparence de ce “grand débat”, ainsi que sa réalisation dans un cadre et un calendrier réellement démocratiques;
- de collecter et mettre à disposition (des citoyens, associations, scientifiques, collectifs, et institutions publiques) les données du grand débat de manière anonymisée et de constituer un corpus élargi aux autres dispositifs de concertation mis en place par les citoyens, les collectivités locales, les associations d’élus etc;
- de travailler avec la communauté scientifique afin de faciliter le traitement et l’analyse de ces données, pour rendre visibles les effets des choix politiques et techniques réalisés lors d’une opération de synthèse;
- de proposer une méthodologie d’évaluation des démarches participatives, ainsi que des modalités de participation numérique permettant d’outiller les initiatives au delà du grand débat.